Corinne Rousset "Ils ont changé ma chanson"

Corinne Rousset "Ils ont changé ma chanson"

Sexe, drogue et marketing. Mais pas beaucoup de musique. Voilà l’univers dans lequel évolue l’héroîne de ce roman, Julie, jeune attachée de presse “télé” pour une major du disque, Trashmusic. Ça balance pas mal à Paris.

Derrière la firme Trashmusic (“musique poubelle”) dont il est question dans ce roman, on reconnait sans peine la société Universal, grâce à quelques indices que l’auteur, ancienne employée au marketing dans cette maison de disques, disséminés au fil des pages : il y a des écrans de télévision dans l’entrée, les bureaux sont près du boulevard Saint Germain, et l’un des groupes maison s’appelle Pornidoles. Et l’on comprend qu’il s’agit des “Popstars” de M6.

L’héroïne, la jolie et très dynamique Julie, aime la danse orientale ; elle a rêvé d’être artiste, mais s’est retrouvée attachée de presse. Elle a un fils qui porte un nom aussi exotique qu’imprononçable, Tamerlan (un nom de conquérant turco-mongol), un mari-très-bien, prénommé Antoine, et des amis-très-bien-aussi-qui-la-comprennent-sans-la-juger. Quoique que légèrement xénophobe (je laisse le soin aux lecteurs de se faire leur opinion), Julie est une fille bien mais encore un peu paumée au niveau sentiments. Elle rencontre le beau Vincent, qui bosse dans la finance. Voilà le ressort dramatique posé pour quelques dizaines de pages, aussi sec qu’une chanson du Clash : should I stay or should I go ? Pour le reste, ce roman, dont l’argument narratif (Ardisson dit le “pitch”) tient sur une carte de visite, n’est pas toujours bien écrit. Chloé, l’amie de Julie, est “un ange qui disperse régulièrement ses pétales de bon sens au-dessus de [sa] tête”). Ce roma, vaut surtout pour la succession d’anecdotes, dont l’auteur explique que, sous couvert d’anonymat, elles sont toutes vraies. Ces anecdotes vont du croustillant à l’effrayant, et dressent la peinture d’un monde et d’événements (labels, tournées, lancements d’albums, massmédias, convention d’entreprise) auquel on n’a pas du tout envie de goûter. Quant aux artistes (on reconnaitra Zazie sous le personnage de Nina et sa voix de crécelle), aux directeurs de la promo et autres directeurs artistiques, ils en prennent eux aussi pour leur grade.

Avec ce roman, on tient un “American Psycho” (beaucoup de marques y sont citées) mais français, version show-biz parisien. Sauf que la tueuse, c’est l’écrivain elle-même, qui tire à vue sur le métier. A tel point que Corinne Rousset s’est grillée dans la profession. Elle doit en être ravie, d’autant que depuis des années, elle a quitté le monde pas si enchanté de la musique : elle est aujourd’hui professeur de danse à Nice.

***

Corinne Rousset “Ils ont changé ma chanson”, Editions J’ai Lu, Paris, 318 pages, 6,40 €

Jean-Marc Grosdemouge