Brigitte Giraud écrit sur le deuil
J’ai acheté “Vivre vite” d’occasion mardi, chez Book Off Châtelet. S’il avait été un peu abîmé, comme celui que je j’avais vu la semaine précédente, je ne l’aurais pas acheté. S’il n’avait pas reçu le prix Goncourt, l’aurais-je acheté ? Si mes cours n’avaient pas fini à 17 heures à Aulnay sous Bois, aurais-je eu la demie heure nécessaire pour faire cet achat avant de voir mes amis ? Et pourquoi suis-je enseignant à Aulnay et plus à Bondy ? Parce que mon contrat a cessé au bout d’un an comme prévu et que j’ai rebondi ailleurs ? Et pourquoi suis-je enseignant ? Cela pourrait nous emmener loin… Et pourquoi tous ses si ?
Parce qu’au contraire de mes “si ” à moi qui sont sans importance, ceux qu’egrenne Brigitte Giraud dans ce livre ont pris pour elle pendant des années un caractère obsessionnel : l’auteur a perdu son mari à cause d’un accident de moto en 1999 et se pose des tas de questions : “et si j’avais fait ceci au lieu de cela ?”
La première réaction au bout de quelques chapitres est de se dire que ça fait beaucoup de pages pour parler de ce moment où un proche refait mentalement le fil des événements lors d’un deuil. Que Nanni Morretti a déjà traité ça en quelques minutes dans “La Chambre du fils”… Qu’être en deuil est une chose, en faire de la grande littérature en est une autre. Mais on continue et on s’attache à Claude, il était fan de rock comme moi, lisait “Les inrocks” comme moi, écoutait Lenoir et allait dans des concerts.
Brigitte Giraud cherche, va sur les lieux, se renseigne sur la moto, et le livre refermé, nous aussi on cherche. Comme il écrivait dans “Le Monde” en plus de son travail à la discothèque municipale de Lyon, on se dit qu’il y a peut être des articles de lui quelque part sur le Net. Alors ur Google, on tape “qui était Claude, le mari de Br…” et Google continue la phrase preuve qu’on est plusieurs milliers a avoir fait la même chose. Ce qui prouve que Brigitte Giraud a réussi à lui rendre l’hommage qu’il méritait.
Ce livre est-il un grand Goncourt ? Les chiffres de ventes, désolé, d’être trivial, n’ont pas été ausi forts que pour le précédent (“La plus secrète mémoire des hommes” en 2021) et l’avenir dira si ce livre de deuil aura une postérité aussi importante que “Le livre de ma mère” d’Albert Cohen.
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Brigitte Giraud “Vivre vite”, Editions Flammarion, Paris, 2022, 2005 pages.