Les aventures “rockambolesques” de Sacha Reins

Les aventures “rockambolesques” de Sacha Reins

Même si la formule est facile, trop facile même, on ne peut pas dire que Scaha Reins les a TOUS rencontrés : le Boss alias Bruce Springsteen et le seul chanteur prix Nobel, Bob Dylan, manquent au “tableau de chasse” bien pacifique de cet intervieweur, passé presque par tous les titres de la presse ou presque.

Quand on dit “tous ou presque” ça va du plus spécialisé comme “Best” (mort et très mal résuscité il y a peu), et “Rock and folk” (excellent mais son tirage se rapproche dangereusement de celui d’un fanzine avec le lectorat qui vieillit) au plus généraliste : “Elle” et ses fiches cuisine, “Le Point” et ses couvertures de droite, ou pire sur le vin, les classements des université et le prix de l’immobilier. On est loin du rail de coke sur les fesses d’une pute crackhead. Ils parlent de musique dans “Le Chasseur Français” ?

Gnions, fantômes et picole

Autre formule facile : sex drugs and rock’ n’ roll (même si ça marche aussi avec la folk, comme en témoignent les portraits de Leonard Cohen et Rickie Lee Jones), déjà traitée par Nick Kent dans “The Dark Stuff, L’envers du rock”. Il est vrai qu’il n’y a ici ni visite de musée, ni office religieux, et encore moins un passage au rayon philo de chez Gibert, suivi par une dégustation de Sacher Törte à la Pâtisserie Viennoise… Les décors sont toujours un peu les mêmes : loges de concerts, studios d’enregistrement, hôtel de luxe (où ont lieu les journées promo) et manoirs privés parce que rockeur, à l’occasion, ça vous enrichit un homme et que Reins devient parfois ami les vedettes. Ami du genre : “dis sacha, tu bandes encore toi ?” (quand c’est Jonnhy, alcool mauvais, qui pose la question, il vaut mieux dire bof, pas tous les jours) ou “viens à la maison, y’a une chambre”… fut-elle hantée, ce qui est le genre de choses qu’on voit rarement si Airbnb ou TripAdvisor.

Bien sûr tout ce petit monde sniffe, boit, baise à couilles rabattues, part en désintox, reprend (Renaud), et parfois se met sur le gueule. Après avoir lu quelques pages sur le film “Wanted” (dont je n’avais jamais entendu parler), et qui réunit pas mal d’amateurs d’Evian et de carottes Vichy (Depardieu, Renaud, Bohringer, Hallyday), j’ai voulu voir un extrait sur Youtube : en respirant un peu fort, ça sentait l’anisette dans mon salon.

Oui j’abuse. Avec modération. Et Sacha ? Peut-il le jurer sur la Bible ? Il se dit athée, mince. Ou est-il comme ces habitants d’une grande ville des Bouches du Rhône où on a l’exagération facile (soixante secondes s’appellent un quart d’heure). On le sait : le réel a parfois plus d’imagination que le fiction. Si Reins avait écrit un roman et raconté ce qu’il raconte ici, d’aucuns lui en auraient fait reproche : d’accord le milieu rock, c’est pas le monde des bisounours, mais c’est pas plausible. Sauf que, sur le mode “je l’ai vu j’y étais, je ne pouvais pas l’écrire sur le moment mais maintenant oui”, Reins balance quelques scènes d’anthologie qui pourraient nourrir bien des films ou des séries.

Ce qui fait également le charme de ce livre est la façon dont Reins raconte la façon dont il est tombé dans la marmite de l’écriture rock. Chez Louis-Ferdinad Céline l’incipit serait “ça a commencé comme ça”, puis le héros croise une troupe, fait la guerre, et vlan 500 pages des epopée de Bardamu. Reins, lui, est devenu valet de BB King quand il était tout jeune homme à Strasbourg et tout s’enchaîne, avec moult péripéties, qu’on ne divulgâchera pas.

Reins qui a un an de moins que Mick Jagger, capable de faire passer deux heures magiques sur scène, réussit à nous faire passer quelques bonnes heures de lecture.

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Sacha Reins “Rockambolesque”, Editions des Equateurs, Paris, 2023.

Jean-Marc Grosdemouge