Sébastien Raizer "Noir Désir. Tout est là"
Ce livre est une vraie somme à propos d’un des rares groupes français à être devenu culte tout en étant grand public (avec donc Téléphone, Trust, peu-être Ange et c’est tout). Mais hélas, sa thèse amène son auteur à quelques excentricités proches de celles d’Elisabeth Teissier. Ce qui, toutefois, ne disqualifie pas tout le contenu de ce livre.
Bien plus épais que le livre de Marc Besse paru chez Librio, ce livre considère Noir Désir non pas comme un groupe rock bordelais avec à sa tête le parolier et chanteur Bertrand Cantat, mais comme une entité multiforme et cosmopolite, une machine à créer et à s’engager.
Sébastien Raizer s’attarde sur le “climat” qui a vu naître le groupe, sur ses valeurs (en grande partie héritées de l’éthique punk) et replace aussi à leur juste valeur les essais solos des membres du groupe, comme les disques de Frédéric Vidalenc ou de Serge Tessot-Gay (on se souvient du disque “On croit qu’on en est sorti”) et leurs collaborations.
Cette théorie qui présente Noir Désir comme une nébuleuse (avec des connections multiples : Akosh S., le mouvement social, etc.) est fort utile actuellement, puisque Bertrand Cantat étant indisponible pour plusieurs années, cela veut dire que “l’esprit” Noir Désir peut survivre à son absence, avant de repartir de plus belle dans quelques années. Mais là, on tombe dans la fiction, et l’on quitte le journalisme pour de bon. Exit les sources, le recoupement, les faits avérés.
C’est l’écueil dans lequel tombe hélas le livre à la fin, puisque l’auteur imagine le groupe dans le futur : un membre ici, l’autre là. Il va même jusqu’à imaginer des titres d’albums. Ou quand Camion Blanc se lance dans le SF. C’est d’autant plus dommage d’inventer des faits, alors qu’un fait -la mort de Marie Trintignant, ne figure nulle part. Elle ne figurait pas non plus dans le livre de Marc Besse, mais il a été imprimé avant son déroulement. Dans le cas présent, on nous rétorquera sûrement que cela relève du privé et non de la carrière publique du groupe.
Ce livre, qui hormis cela, est complet ravira les fans. Surtout ceux qui préfèrent ne pas penser à ce drame. Pour qu’on comprenne bien mon point de vue, je vais l’énoncer le plus clairement possible : sans enfoncer Bertrand Cantat, qui a payé sa dette à la société, je suis de ceux qui pensent que Vilnius fait aussi un peu partie de l’histoire de Noir Désir.
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Jean-Marc Grosdemouge
Sébastien Raizer “Noir Désir. Tout est là” (Camion Blanc), 2005