Nanni Moretti, vers un cinéma radieux

Nanni Moretti, vers un cinéma radieux

La trottinette est l’objet fétiche de notre époque. Elle incarne le cool et le zeitgeist fait de précoccupations prétendues vertes et de mobilité douce. Aussi est-il étonnant de voir Nanni Moretti enfourcher un de ces engins sur l’affiche de son dernbier film, lui qui a toujours semblé en décalage avec son époque.

Est-ce une idée du dessinateur Floch pour faire référence à l’affiche de “Journal Intime”, sur laquelle le réalisateur nous tournait le dos, tout occupé qu’il était à parcourir Rome sur son Vespa vert ? Du tout, puisqu’on verra bien Nanni sur une trottinette, en train de faire un repérage de nuit dans la Ville eternelle, aux côtés de son producteur (Mathieu Amalric). Car Si Nanni Moretti est réalisateur dans la vie, il l’est aussi dans ce film, et c’est son épouse (Margherita Buy) qui coproduit.

Notre homme tourne un film qui se passe en 1956, à l’époque de l’Insurrection de Budapest, quand arrive à Rome un cirque hongrois, à l’invitation d’une section locale du Parti Communiste Italien.

Attention, on va spoiler

Fermez vite les yeux, car dans la vie du réal’ c’est le cirque aussi : sa femme et sa fille refusent de regarder “Lola” de Jacques Demy en famille la veille du premier tour de manivelle, sa fille sort avec un vieux, sa femme produit en parallèle un autre film que le sien, et c’est un film violent. D’une violence crasse, et ça le réal ne l’accepte pas. On sent dans le discours qu’il fait au jeune réal qu’il s’en prend à la stylisation façon Tarantino. Il lui oppose au travail bien plus moral du Polonais Kieslowski ou de Scorcese sur la façon de filmer la violence.

Car Moretti cherche du sens partout et n’en trouve pas. Il se lance dans un de ces propos sur les chaussures (une de ses obsessions). Cette fois ce sont les sabots de femmes qu’il fustige. Alors s’il ne comprend ni son époque ni le cinéma d’aujourd’hui (la scène du rendez-vous chez Netflix est fameuse), comment notre héros peut-il aller vers un avenir radieux ?

Danser, chanter, penser

Dans un pays qui a voté Melloni, en revenir aux fondamentaux : Marx et Engels. Et puis aux chansons… Luigi Tenco “Lontano”, Franco Battiato (“Voglio vederti danzare”). Mais pas seulement de la chanson italienne : Aretha Franklin (“Think (freedom)”) ou Joe Dassin sont de la parties. En tout cas ce sont ces titres qu’on peut chanter en famille en voiture. Car n a tous adoré “Insieme a te non ci sto più” de Caterina Caselli dans “La chambre du fils”.

Résister donc, et célébrer le cinéma (on verra quelques images de “La Dolce Vita”). Chez Moretti, il y a aussi la danse. Vous vous rappelez au début de “La chambre du fils” ? Le père de famille sort courir et rencontre des hare krsihna. Il danse avec eux. Et dans “Journal intime”, quand Silvana Mangano danse dans “Riz amer” sur un poste de télé ? Il danse avec elle… Eh bien maintenant notre héros ne danse plus seul. Il fait danser toute son équipe, sur le plateau, entre deux prises… Et il les fait chanter, comprenez : pousser la chansonette. Au sens propre du terme il est un : enchanteur.

Attachant, émouvant, conscience de gauche, Nanni Moretti grisonne de film en film. Et vieillit comme le bon vin. Les fans de Moretti pourraient avoir la larme à l’oeil. En effet, ce film est une synthèse de tout l’univers du bonhomme. Y compris des jongles avec un ballon de foot, comme par le passé. C’est un hymne à la culture qui rapproche les hommes.

“Vers un avenir radieux” est un hymne aux idées généreuses qui vont que le monde est moins moche. On en en a besoin. Ce film démontre qu’il est toujours plus facile de parler avec un marxiste-léniniste qu’avec un algorithme. On a bien besoin de films qui galvanisent. Grazie mille per tutti, signor Moretti.

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Photo (c) 2023 Sacher Film – Fandango – Le Pacte – France 3 Cinema

Jean-Marc Grosdemouge