Sainte Colombe, confiné volontaire

Sainte Colombe, confiné volontaire

L’avantage d’être son propre rédac chef, c’est qu’on écrit ce qu’on veut. J’ai déjà parlé ici de “Tous les matins du monde” lorsque ce site a fait ses premiers pas, mais rien ne m’emp^che d’en parler aujourd”hui. La chose est d’autant plus facile que je relis ce court roman tous les deux ans, au coeur de l’été.

Je n’ai pas fini d’épuiser la force de fascination de ce livre. Mais je découvre des choses sur moi. Ainsi, je constate que j’ai toujours été fasciné par les reclus, que ce soit pour des raisons religieuses ou non. “Macaire le copte” de Weyergans m’a fait connaitre l’existence de l’essai “Les hommes ivres de Dieu” de Jacques Lacarrière (lecture encore à faire). 

L’an passé, en allant visiter le domaine agricole (vins de Chianti et huile d’olive) de Léo Ferré, je me suis dit que notre anar n’était pas aller s’installer dans ce bot de Toscane par hasard : on est vraiment à la sortie du bourg, au creux d’un vallon, loin des cons, des fâcheux, des importuns. “Paris, je ne t’aime plus” a chanté Léo et il a signé pour acheter a maison de Castellina in Chianti.

Dans la littérature, il y a les solitaires inventés (Zénon de “L’Oeuvre au noir”) et les réels : JD Salinger qui fuit la célébrité, l’empereur Hadrien enfermé dans son palais de Tivoli chez Yourcenar, Thoreau qui part vivre dans une cabane et Tesson qui en fait de même de nos jours, en Siberie ou “Sur les chemins noirs”. 

Et je viens de relire “Tous les matins du monde” comme si j’etais passé à côté d’un aspect important lors de mes deux premières lectures : monsieur de Sainte Colombe est un reclus. Un confiné volontaire dans sa banlieue, c’est à dire à plus d’une lieue du mur où l’on doit s’acquitter du droit de ban, une taxe.

Il fuit Paris, la cour de Versailles, les honneurs, la musique officielle, les mondanités. Et il vit de peu. En cela peut-on en faire un décroissant, capable de se contenter du minimum vital ? Manger, dormir, et composer au minimum. Parce que notre homme, qui a été janséniste, est humble au point de croire que la plupart de ses airs musicaux ne sont pas dignes d’être notés.

Voilà peut-être ce qui lui fait dire qui fait dire à Sainte Colombe qu’il mène une vie “passionnée”. Le terme surprend ses filles. Mais 300 ans après, il nous étonne nous aussi. Car ne rien faire, meme de nos jours, ca reste révolutionnaire. Et encore condamné par le “bon sens commun” c’est à dire la Societé tellement bien pensante qu’elle n’ a pas conscience de sa bien pensance.

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Jean-Marc Grosdemouge

Pascal Quignard “Tous Les Matins du Monde”, Folio/Gallimard

Infos : le site de Gallimard

Jean-Marc Grosdemouge